Poésie

La pomme

Une pomme trop mure
Désespérément accrochée
A la queue de sa normalité
Qui a peur de choir
D'être croquée
Dégustée dans son âme
Dévorée dans son jus

Car un trognon déshabillé
Posé au soleil dans la mousse
Se dessèche
Ou devient pommier

Au commencement

Au commencement
Etait la fin
La fin du poème
La fin d'une histoire
La fin d'une époque
La fin de l'hiver
La fin d'avant
D'avant le commencement

Un croissant

Je vais te demander la lune mais sache que je peux me contenter d'un croissant,
si tu me l'amènes au lit, au petit déjeuner,
et tant pis si il me reste sur les hanches,
tant qu'il y aura tes mains pour les saisir
et ta queue pour fouiner ces secrets que je ne te cache pas,
si, peut etre celui là : j'ai revé de toi au quotidien

Les clefs du jardin d'éros

Je les avais perdues
Depuis longtemps
Les clefs du jardin d'éros

Mais de nouveau adolescent
Mon cœur palpite

Je t'attends
Tremblant au milieu de la nuit
Tourmenté de mille questions
Mille angoisses

Et j'ai peur
Peur de mes rêves

M'aimes tu ?

Ni dieu Ni maître

Responsable devant la loi
Disait l'un

Responsable devant dieu
Disait l'autre

Responsable de par l'enfant
Qui survit
Tout au creux de moi
Et uniquement de par lui

Arborescence

Des entrailles de la terre
Brisant la roche
Puisant l'eau
Je tire ma force

Toujours plus loin
Vers les lumières
S'étend mon second royaume

Sur les flancs du lien
Qui unit ces deux mondes
Deux amoureux
Ont gravé à jamais
Leurs promesses éphémères

L'absence

Cruelles absentes
Violente espérance
Lointaines passantes
Dans la nuit insolente
Mon experte paume
Vous dédie
Au firmament
De mes rêves humides
L'égoïste hommage
D'un amant esseulé

O belles étoiles
Etoiles filantes
Que jamais n'oublierai

Fil aimant

Le fil de l'eau
Le fil du bois
Le fil du récit
Le fil d'Ariane
Le fil du temps
Le fil amant
Qui éclaire mon quotidien
Mais qui rompt plus aisément
Que le fil de la vie
Heureusement

Nectar

Ta petite moue coquine
Un tantinet naïve
Ton regard enfantin
Faussement surpris
Ton corsage entrouvert
M'invitent à ta poitrine
Et je dévore goulûment
Ces fruits éclatants de jeunesse
Tes soupirs m'encouragent
Au grand déballage
Alors je cherche en vain
Une culotte
Que tu ne portes pas
De tes jambes félines
Emane une odeur divine
Je m'enivre à ton nectar
Et vaincu de désir
Au fond de toi offerte
Je m'abandonne enfin

Malheur au premier

Je vis dans la boue, la fange, là où la vie grouille comme un étang infesté.
Des corps à corps désaccordés, des chassés croisés sans trop d'issue, des effluves nauséabondes d'amour putréfié..
Malheur à celui qui aimera en premier
Des femmes pleurent la pureté de leurs amours d'antan,
des hommes, décalottés à coups de dents, perdent leur sang,
des morts vivants continuent à jouer, sans trop y croire, juste pour s'occuper.
Malheur à celui qui aimera en premier

Isabelle Paris

L'arboriculture

Chaque jour
Plus profondément
Dans les entrailles
Du savoir de la terre

Chaque jour
Plus haut
Cherchant mon chemin
Vers la lumière

Chaque jour
Plus robuste
Je bâtirai la charpente
De mon destin

Cadence

Profite
Belle fille
Petite fée de l'été
Que ta danse Cadence
La vie ensoleillée

Défile
Belle fille
Petite fée de l'été
Que ta danse Cadence
L'ivresse de mes pensées

Joues
Belle fille
Petite fée de l'été
Que ta danse Cadence
Le rythme de nos baisers

Dégage
Belle fille
Petite fée de l'été
Que ta danse Cadence
La transe de mes regrets

Reviens
Belle fille
Petite fée de l'été
Que ta danse Cadence
Mes rêves oubliés

Adieu
Belle fille
Petite fée de l'été
Que ta danse Cadence
La mémoire de mon respect

Toujours
Belle fille
Petite fée de l'été
Que ta danse Cadence
L'esprit de liberté

Révolution

N'avez vous jamais
Eu envie de tout lâcher

D'abandonner soudain
Les pesanteurs du quotidien
Pour s'en aller loin

Pour s'en aller loin
Le cœur au vent
Les cheveux en bataille
Les yeux pleins d'espoirs
L'esprit ivre de rêves
D'un pas long et ferme
Batir là bas
De ses propres mains
Une citée d'espérance
Un monde plus heureux
Un monde plus humain
Un monde plus serein

N'avez vous jamais
Eu envie de tout lâcher ?

Décroche la lune

Ces mots que je susurre
aux creux de vos oreilles

Belles de mes rêves
Rêves de mes nuits

Je les cisèle
Comme les étoiles
Des mille et une nuits

Accrochés au plafond bleu
de ma patience
Ils attendent la lune qui osera
Les décrocher

Le passage

Perdu ou retrouvé?
Ame qui divague
A la source des remords
Quand s'achève le printemps
Au carrefour des amours désirées
Ivre de mal vivre
A tourner en rond
Au souffle des espoirs inachevés
Saoulé de désillusions
De mains tendues vers le vide
Où pleurent les colombes

Perdu ou retrouvé?
Quelle importance
Quand la boucle est bouclée
Au coeur de la prison surpeuplée
Des contradictions du quotidien
L'enfant mien
Cherche toujours
En son coeur blessé
Le passage secret
Vers sa délivrance

Esteban

Que sont ils devenus?
Esteban
Tes rêves de fraternité

Dans quel abîme
Ta candeur a t'elle sombré?

Qu'il est impitoyable
Et dur
L'océan de la médiocrité

Qu'il est glacé
Et violent
Le souffle de la lâcheté

Mais au loin
Esteban
Sur l'autre rive
Existe l'île
Dont tu as tant rêvé

L'atelier

Les rayons du soleil
Passant par les carreaux

Répandent dans ce tableau
L'or de l'aube

L'atelier encore assoupi
Sort doucement de la nuit

C'est beau

Sur l'établi
Les traverses de chêne
Corroyées la veille
Inhalent encore
Leurs parfums suaves et capiteux

Elles attendent là
Patiemment
Bien rangées

Les mains de l'homme
Qui avec tant d'amour
Leur sculptera
Une nouvelle destinée

Les mots perdus

Il est des mots
Sortis du contexte
Qui perdent leurs bons sens
Et marchent en rond
Des heures durant
Emprisonnés d'idées étroites

Jusqu'au jour où
Le vent
Retourne leurs vestes
Et les évade au soleil

Sous les applaudissements
Des idées larges

L'arrosoir

Un vieil arrosoir percé
Abandonné
Sur le rebord du parapet
Qui rêve d'être réparé
De reprendre du service
De retrouver son boulot
D'arroseur de végétaux

Quand vient la lune
A la tombée du soir
L'angoisse le ronge
D'être un jour
Un jour de plus
Le gosier à sec

Va-t-on le remplacer
Par un objet sans âme ?
Finira-t-il à la ferraille ?
Abandonné
Par ceux qu'il avait tant servi.

Femmes

Je vous ai tant rêvées
Je vous ai tant haïes
Je vous ai tant enviées

Tant désirées
Tant fuies

Tant pardonnées
Tant espérées

Tant
Temps

Et le temps est parti
Il s'est enfui

Accord

Je t'offrirai ma vie
Quand tu en auras envie
Je t'offrirai mon âme
Mes rêves
Mes baisers
En échange de ton respect

Je te désire mienne
Pour le meilleur
Et uniquement pour lui

C'est pourquoi
Demain dès l'aube
Je t'oublierai
Et tu m'oublieras
Pour pouvoir retourner libre
Aux pays de nos secrets respectifs

Mais si très fort
De tout ton être
Tu le désires
Et qu' Eole est clément

Papillon
Retrouvera sa fleur
Et redeviendra son amant
Pour le meilleur
Uniquement

Cela
Jusqu'à la nuit
De notre temps
Jusqu'à ce que l'envie trépasse
Que tournent les vents
Que les caresses agacent
Que nous usent le temps
La morale et les gens

De l'épave de ces amours
Sauvés du naufrage
Restera sur la grève
L'étrave de nos respects

Elle seule vaut la peine
D'être préservée
D'être choyée
Car elle est la base même
De l'ossature solide
D'une somptueuse amitié

Reste-t-il d'autres richesses
A la fin de sa vie
Que celles que vous offrent
Les vrai amis
Ceux-la même qui vous aiment
Pour le meilleur
Et pour le pire

Meurtre

Etendue sur la grève
Belle
Emouvante

L'espérance gît là
Morte

Assassinée

Par la main de celui
En qui elle avait cru
Trouver un ami

Grains de sable

Grains de sable
Petits grains de sable
Sables de torrents
Sables de rivières
Sables de mystérieux déserts
Sables d'îles lointaines
Sables de mers exotiques
Sables de planètes nouvelles
Sables d'univers à découvrir
Profitez du temps
De l'eau
Du vent
Des éléments
Faites
Mille et un cristaux
Mille et un châteaux
Faites
Jouer les enfants
Et Courir les vagues
Faites
Grincer les rouages
Et Dorer les dames

Mais au grand jamais
Ne devenez
Grains de sable
De sablier

Lettre au soldat

Bon, soldat, il serait temps que tu sortes du rang, que tu te distingues du peloton de mes amants sporadiques.
Que tu me racontes des histoires pour m'endormir, que tu me fasses l'amour pour me réveiller, que tu sois un esprit pour me séduire, une queue pour m'étourdir, un homme, un dur à cuire, un tendre aussi qui peut rester après minuit, après l'envie.
Putain, soldat, comme je serai femme, forte, folle, fine, fatale même si il le faut.
Je serai moi, en mieux, je ferai des efforts, tu feras des envieux.

Soldat, si tu sors du rang, je ne te tournerai pas le dos.
Sauf si tu me le demandes.
Gentiment.

En attendant, je fais le guet, l'air de rien, une clope à la main.

libellulina  31

L'arme salée

L'arme du crime
Que l'on s'évertue
A chercher
Depuis que l'homme est érectus
Mais que l'on fabrique toujours

Larmes des crimes
Que l'on s'évertue
A sécher
Depuis que l'homme est érectus
Mais qui coulent toujours

Chasseur de sens

Chasseur patient
Il avait égrené le temps
Apprivoisé un à un les éléments
Invisiblement louvoyant
Dans l'hostile environnement
A l'affût méthodiquement
Guettant le parfait instant
Toujours sous le vent

Il avait réussi sa quête

D'un large sourire
Il clamait son bonheur
D'avoir chapardé
A la belle ondine
Un parfum fatigué
D'une longue nuit câline
Qui se prélassait encore
Au petit matin
Dans l'onde de sa chevelure féline

Grèves

Aux rêves sans fin
Chevauchant les mers sauvages
Vers ces îles lointaines
Que l'on désire
Et aime tant
Tant qu'elles le restent

Les passantes oubliées
Les amantes perdues
Quand leurs parfums
Auront disparus
Et que les îles lointaines
A jamais
Seront perdues

J'irai sur la grève
D'un océan sauvage
D'un océan d'amour
Attendre que le vent
Emporte au loin
Ce petit grain de sable
Qu'aura été ma vie

Taïaut

Je vais partir
Partir là-bas
Ailleurs
Voir de mes yeux
Si la terre est ronde
Ici
Les uns après les autres
Mes rêves se sont perdus
Et je me sens nu
Nu et sale
Sale de cette médiocre vie
Sans saveur et ni devenir
Sale de mes échecs
De ma générosité perdue
Sale de ces peurs
Que l'on me renvoie sans cesse
J'ai dans l'âme
L'odeur des rats et des caniveaux
Alors n'importe quelle embarcation
N'importe quel navire
Fut-il un vieux rafiot
Me semble le plus beau des vaisseaux
Quand je l'imagine
M'emportant à son bord
Vers d'autres rivages
Où l'essence du monde
Serait plus sage

L'enfant

L'enfant
Que fait l'enfant?

L'enfant joue avec le sable
et fait chanter la plage

De ses doigts alertes
complice de quelques coquillages
Il amuse les vagues

D'un sourire
Il chasse les nuages
Et émerveille le soleil du printemps

L'adulte

L'adulte le regarde
Il frémit
A la caresse du vent qui passe
Le vent de la vie
Qui trop loin de ces beaux rivages
l'entraîne doucement

Bagages

Que le voyageur
Trouve le bonheur
Quelle que soit sa route

Qu'il puisse aller loin
Quérir son chemin
Sans douleur ni peine

Et quand il aura atteint l'autre rive
Qu'il puisse revenir
Se reposer auprès des siens
Qu'il aime